Les puces sont des parasites dont la morphologie est assez unique. Par conséquent, elles ne peuvent quasiment pas être confondues avec d’autres insectes. Il existe environ 2500 espèces et sous-espèces de puces décrites. Les puces mâles de certaines espèces possèdent les organes génitaux les plus complexes du règne animal et la classification des puces est souvent basée sur la morphologie de ces organes.
La puce dans l’histoire
La puce est associée aux pandémies de peste avec le rat. La bactérie responsable de la peste est Yersinia pestis. Elle a été isolée pour la première fois en 1894 par le bactériologiste suisse Alexandre Yersin.
Cette bactérie est responsable de trois pandémies majeures de peste :
La première pandémie a démarré en 541 après JC en Afrique du Nord et s’est ensuite répandue dans toute l’Europe méditerranéenne tuant environ 40 millions de personnes au cours des 6ème et 7ème siècles.
La seconde, généralement appelée peste noire, est apparue en Asie centrale au 14ème siècle et s’est étendue à l’Europe le long du développement des routes commerciales entre ces deux continents. En 1347, au moins 25 millions de personnes sont mortes rien qu’en Europe.
Certains médecins portaient un masque en forme de long bec recourbé et rempli d’herbes aromatiques sensées les protéger.
La troisième pandémie de peste, parfois appelée peste moderne, s’est répandue dans le monde entier à la fin des années 1800 après avoir émergé d’un foyer de la province chinoise du Yunnan en 1855. De 1896 à 1948, cette pandémie a causé 12 millions de morts rien qu’en Inde.
Une puce s’infecte après avoir absorbé la bactérie de la peste dans son repas de sang d’un animal infecté. La bactérie envahit l’intestin de la puce où elle se multiplie rapidement. L’intestin n’est alors plus fonctionnel et les puces n’arrivent plus à s’alimenter. Affamées et plus agressives, elles font des tentatives de piqûres répétées et amplifient donc l’épidémie. Si le blocage intestinal ne disparaît pas, la puce infectée finit par mourir de faim, de déshydratation ou d’intoxication par les toxiques bactériens, en devenant elle-même victime de la peste.
La peste est toujours présente dans le monde (Asie, Afrique…) et fait quelques centaines de morts par an et elle reste une maladie infectieuse très préoccupante en tant qu’arme biologique potentielle. Elle a déjà eu cette fonction cela plusieurs fois par le passé.
En 1347, des soldats mongols jetaient des cadavres de peste dans la ville assiégée de Caffa en Crimée. La fuite des habitants infectés de Caffa aurait d’ailleurs joué un rôle dans l’introduction de la peste noire en Europe en 1347.
Des «bombes à puces » ont été utilisées comme arme biologique dans les années 30 et 40. Des puces infectées par la peste ont été larguées en Chine par des avions par pulvérisation dans des bombes entraînant la mort de 500 000 chinois.
Le cycle de la puce
Les puces adultes sont petites (1 à 8 mm) et sans ailes et souvent aplaties latéralement. Les pattes postérieures sont adaptées au saut.
Le cycle comprend un œuf, une ou des larves (généralement trois larves) et un stade nymphal. Les adultes femelles peuvent produire des centaines d’œufs au cours de leur vie. Les œufs éclosent généralement en 5 jours. La plupart des espèces ne restent pas sur l’animal qu’elles parasitent en permanence mais n’y sont que pour s’y nourrir.
Les œufs de puces sont petits,ovales et blanc nacré et mesurent entre 0,1 et 0,5 m, . La plupart des larves de puces sont petites, ressemblent à des vers, très actives et ont un appétit vorace.
Les œufs collants peuvent adhérer brièvement au pelage de l’hôte mais ils tombent généralement dans l’environnement où ils éclosent quelques jours plus tard. La plupart des larves de puces se nourrissent notamment des déjections des puces adultes qui sont riches en sang.
Le stade nymphal dure généralement 1 à 2 semaines et correspond à la métamorphose du dernier stade larvaire en puce adulte. Il est influencé par la température ambiante et la disponibilité d’animaux à parasiter. Les larves en cours de métamorphose sont généralement entourées d’un cocon soyeux qui est sécrété par le dernier stade larvaire. On parle de pupe de puces. Le cocon est collant et des débris de l’environnement s’y collent et aident à le camoufler.
Les puces de chat adultes peuvent rester à l’intérieur des cocons pendant quatre ou cinq mois et peuvent ainsi éviter de se retrouver dans conditions environnementales défavorables qui les tueraient comme un environnement trop sec.
Certaines puces émergent de leur cocon suite à la perception de vibrations ce qui explique les émergences synchronisées lorsque les humains ou les animaux de compagnie retournent dans les locaux laissés vides depuis plusieurs semaines.
La locomotion des puces
La puce est connue pour son saut mais les puces se déplacent surtout en marchant ou courant. Le saut est un moyen d’évasion ou le moyen d’atteindre un animal à parasiter.
Le mécanisme du saut de la puce est resté une énigme pour les chercheurs pendant très longtemps. Les scientifiques n’arrivaient pas à l’expliquer car les sauts de puce sont en effet trop puissants pour n’être que le résultat d’une simple contraction musculaire.
Le saut n’est effectivement pas la conséquence d’une action musculaire directe mais est dû à l’expansion soudaine de deux coussinets constitués d’une protéine qui a un pouvoir élastique très important appelée résiline. Cette protéine peut stocker de l’énergie et la libérer plus efficacement que n’importe quel caoutchouc synthétique et plus rapidement que n’importe quel tissu musculaire, ce qui en fait l’une des protéines les plus élastiques connues.
La résiline est une protéine élastomère que l’on trouve chez de nombreuses espèces d’insectes et d’arthropodes. Elle permet à la plupart des insectes de voler et aux puces de sauter. Les puces sautent en utilisant une modification du mécanisme de vol de leurs ancêtres ailés.
Chaque coussinet de résiline est assimilable à un ressort et est situé entre le thorax et les pattes les plus postérieures.
Le trochanter (partie de la patte postérieure, voir le schéma ci-dessous) reste au contact du sol jusqu’à la détente complète. Avant de sauter, la puce s’accroupit en contractant les muscles (tergo-trochantériens) ce qui a pour effet de comprimer les coussinets de résiline. Au «décollage», les muscles se relâchent et permettent alors aux coussinets de résiline de se dilater et de transférer brutalement de l’énergie vers les pattes postérieures appuyées sur le sol. Cela se traduit par une accélération d’environ 200 G, catapultant les puces de certaines espèces à plus de 30 cm en environ 0,02 seconde.
Les propriétés de la résiline ne sont pas affectées par la température, ce qui permet aux puces de sauter même dans des conditions de congélation.
Quelques puces célèbres
La puce du chat (Ctenocephalides felis) est présente dans le monde entier. S’il y en a une seule à retenir, c’est elle. Elle parasite non seulement les chats domestiques et sauvages, mais aussi les hommes, les chiens et d’autres animaux domestiques. Dans des conditions optimales, une puce de chat femelle peut pondre environ 25 œufs par jour pendant un mois, contribuant à des densités très élevées de puces en un temps relativement court.
La puce du chien (Ctenocephalides canis) ne se rencontre plus que dans quelques pays ou régions seulement. La puce que l’on retrouve actuellement sur les chiens est la puce du chat (C. felis).
Le puce de poule européenne (Ceratophyllus gallinae)
La puce du lapin européen (Spilopsylluscuniculi) Cette puce s’attache généralement aux oreilles des lapins
En région tropicale et subtropicale, la puce collante (Tunga penetrans) également appelée le jigger ou puce de sable, a une importance médicale et vétérinaire majeure parce que les mâles s’enfouissent dans les tissus des humains et de certains animaux domestiques.
Comme les tiques, les puces sont les vecteurs de nombreux pathogènes, des virus, des bactéries, des protozoaires, et des vers (vers ronds (nématodes) et vers plats (cestodes)) qui infectent une ou plusieurs espèces animales dont parfois l’homme. Il ne faut pas oublier que la simple lésion cutanée provoquée par la piqure des puces est aussi le point d’entrée possible pour de multiples bactéries qui se trouvent naturellement sur la peau.
Les trois exemples suivants sont cités parce qu’ils sont très fréquents chez les animaux de compagnie :
La myxomatose est principalement une maladie du lapin européen causée par une infection par le virus Myxoma. Le virus provoque des fibromes bénins chez ces lapins hôtes naturels en Californie (États-Unis), en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Cependant, chez le lapin européen, l’infection est généralement sévère et mortelle. La myxomatose (myxoma virus) en Europe et en Australie atteint les lapins et est souvent mortelle dans la quasi-totalité des cas. Le virus est transmis mécaniquement aux lapins par divers arthropodes sanguinaires, en particulier les moustiques mais aussi la puce du lapin européen (S. cuniculi). Le virus du myxome a été volontairement introduit en Australie en 1950 et en Europe en 1953. Le but de ces introductions était de contrôler les populations de lapins européens en plein essor. Il existe un vaccin pour les lapins de compagnie et qui est fortement recommandé.
La maladie des griffes du chat est due à une bactérie (bartonella henselae) transmise par la puce du chat et qui atteint l’homme et le chat. La maladie développée chez l’homme provoque des lésions cutanées puis de la fièvre, elle est généralement bénigne mais peut-être grave chez des personnes immunodéprimées.
Dipylidium caninum est un ténia qui atteint le chat, le chien et l’homme. Chez l’homme, ce sont surtout les enfants qui s’infectent en avalant une puce. L’infection est souvent sans gravité. Les vers adultes de ce ténia parasitent les intestins des chiens et des chats. Des anneaux du vers adultes se détachent et sortent activement de l’anus. Exposés à l’air libre, Ils sèchent partiellement et tombent au sol où ils ressemblent à des grains de riz. Si vous avez des chats, vous en avez probablement déjà observés. Les anneaux contiennent des œufs en nombre variable de quelques dizaines d’œufs à des centaines qui sont ensuite expulsés puis ingérés par les larves de puces.
La grande majorité des piqûres de puces sur des hommes est due à la puce du chat. Les puces de chat et de chien piquent facilement les humains, surtout si elles sont nombreuses. Les rongeurs vivant proches des habitations peuvent également être une source de puces pouvant piquer les humains. Les puces abandonnent généralement leur hôte quand il meurt. Lors d’éradication par exemple rats domestiques, leurs puces peuvent alors ne pas avoir d’autre choix que de parasiter des hommes.
Chez le chat et le chien, 50% des consultations de dermatologie sont liées aux puces. L’hypersensibilité à la salive des puces est en effet très courante dans ces deux espèces et entraine des réactions cutanées d’allergie.
Une seule piqûre de puce peut déclencher une dermatite aiguë, parfois chronique, chez les chiens ou les chats hypersensibles.
Chez les chats, la dermatite par piqûres de puces se manifeste généralement par des papules violacées qui sont souvent recouvertes d’une croûte; chez les chiens, les croûtes sont généralement absentes. Chez les chats et les chiens, les lésions sont généralement concentrées vers la base de la queue et l’intérieur des cuisses, avec une perte de poils due aux grattages fréquents. Mais les lésions peuvent s’observer à bien d’autres endroits, avec des plaies surinfectées et assez sévères liées aussi au grattage intense.
Les moyens de lutte contre les puces
La puce du chat infestant chiens, chats et de nombreux animaux sauvages est difficile à contrôler. Le développement de nombreuses espèces de puces est favorisé par l’abondance d’animaux à parasiter, une nourriture abondante pour les larves, une humidité élevée et des températures douces.
Les efforts de lutte contre les puces doivent être orientés sur les zones où les animaux passent le plus de temps, en particulier là où ils dorment, car ce sont les endroits les plus susceptibles de soutenir le développement des larves de puces. Comme dans le cas des tiques, il est capital de connaître le cycle de développement de la puce car cela permet de comprendre à quel moment du cycle il est le plus efficace d’intervenir pour limiter la multiplication des puces. Dans le cas de la puce, il est intéressant de cibler les œufs et les stades larvaires.
À l’intérieur des maisons, passer l’aspirateur quotidiennement dans les zones où les animaux se reposent ou dorment peut éliminer les œufs de puces avant qu’ils n’éclosent et permet également d’éliminer les excréments riches en sang dont les larves se nourrissent.
Pour contrôler immédiatement une infestation de puces, le nettoyage à la vapeur des tapis est assez efficace. Les larves de puces ne peuvent pas survivre si elles sont exposées en plein soleil et les larves sont sensibles à la sécheresse. Les habitats infestés de puces doivent donc être aérés et si possible exposés à la lumière du soleil.
Les peignes à puces sont très utiles pour contrôler si un animal a des puces ou non et sont une option pour éliminer les puces pour les propriétaires d’animaux qui ne souhaitent pas utiliser d’insecticides. D’ailleurs, les chats qui se toilettent beaucoup éliminent jusqu’à 18% de leurs puces en 24 h.
Les nombreux produits insecticides proposés à la vente présentent une certaine toxicité pour les animaux ainsi que pour l’environnement et par ailleurs leur utilisation massive est à l’origine de résistance comme pour tous les insecticides. Mais si malgré les mesures précédentes, les puces ne sont pas éliminées, la lutte chimique paraît impossible à éviter.
Petit point sur le mode d’action des insecticides :
Tous les insecticides n’ont pas le même mode d’action. Certains ont une action systémique (ils se retrouvent dans tout l’organisme et ont une action générale), ce sont notamment ceux qui sont administrés par voie orale. L’insecticide se retrouve dans le sang de l’animal traité. Il sera ingéré par les puces lors d’un repas sanguin. Certains produits administrés à l’aide de pipettes malgré le fait qu’ils soient appliqués sur la peau, la traversent et ont donc aussi une action systémique. Ces pipettes sont appelées « topiques systémiques ».
D’autres molécules appliquées localement ne traversent pas la peau et se fixent dans la couche lipidique de l’épiderme. L’insecticide va agir sur la puce par contact avec la cuticule dans laquelle il va pénétrer. Ce sont des « topiques non systémiques ».
Je trouve que cette différence est importante à préciser. Personnellement, je privilégie les topiques non systémiques et ne donne des topiques systémiques que dans certains cas particuliers. Le mode d’emploi des pipettes précise si le produit agit de façon topique ou systémique. L’alternance des molécules utilisées pour limiter les résistances et une potentielle accumulation dans les tissus de l’animal traité est sans doute une précaution intéressante.
Certains produits dont ceux contenant de la perméthrine sont toxiques pour les félins et ne doivent pas être utilisés sur les chats mais ni sur les jeunes chiots.
Pour finir, ce qui n’a fait preuve d’aucune efficacité : Les répulsifs à ultrasons, l’apport oral d’ail ou de vitamines du complexe B comme la levure de bière ne sont pas des solutions efficaces pour réduire les populations de puces chez les animaux de compagnie bien qu’elles soient souvent conseillées.
A retenir :
Les puces sont des insectes très fréquents et à l’origine de réactions allergiques très courantes chez les chats et les chiens puisqu’elles représentent 50% des consultations de dermatologie.
Les puces ne sont pas très faciles à éliminer mais il existe de nombreuses recommandations qui permet de rompre le cycle des puces et qu’il faut mettre en place avant d’utiliser des produits chimiques (aspiration, exposition au soleil, peigne à puce…).
Bibliographie
Fleas (siphonaptera). LA Durden, NC Hinkle – Medical and veterinary entomology, Chapître 10, 2019