Mon animal de compagnie, la loi et l’éthique

  Autant le dire tout de suite, je n’aime pas vraiment le terme « animal de compagnie ». Je trouve que cela ne représente pas vraiment ce que nous apporte la fréquentation quotidienne d’autres espèces dans la mesure où côtoyer les animaux va bien au-delà d’une simple « compagnie ».

  Mais, ce terme « animal de compagnie » a une réalité juridique et c’est ainsi que sont désignés les animaux qu’il est possible de détenir chez soi. La loi française en donne la définition suivante : l’animal de compagnie est « tout animal détenu par une personne pour son agrément ». Le terme « agrément » de la définition me convient encore moins puisqu’il implique que l’animal n’est détenu que pour le plaisir de l’homme et sans avantage réciproque pour l’animal.

  Je fais partie de ceux qui sont persuadés que côtoyer le monde animal a quelque chose de vital pour notre propre espèce dans la mesure où les animaux sont un lien qui permet d’être connecté à la Nature. En observant d’autres espèces animales, en vivant avec elles, c’est aussi la compréhension de notre espèce qui est en jeu. Je trouve cela d’autant plus important dans une société qui devient chaque jour de plus en plus artificielle et qui a déclaré semble-t-il la guerre au monde vivant.

  Quand j’ai cherché à savoir qui étaient finalement les « animaux de compagnie » qu’un particulier pouvait détenir légalement en France, je m’attendais à trouver une simple liste sur le site officiel du gouvernement. Ce ne fut pas le cas. 

 En France, la liste de des animaux de compagnie est en réalité fixée par deux arrêtés puisqu’ils se réfèrent à deux catégories d’animaux bien différents, d’une part, les animaux domestiques dont la liste est établie dans l’Arrêté du 11 août 2006  fixant la liste des espèces, races ou variétés d’animaux domestiques et d’autre part, certains animaux sauvages concernés par l’Arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques.

  Sous le terme d’«animal de compagnie » est donc regroupé une multitude d’espèces, à la fois domestiques et malheureusement sauvages. Je dis, malheureusement, car pour bien des espèces et dans bien des cas les animaux sauvages devraient être laissés libres dans leur milieu naturel et non faire l’objet d’une détention par l’homme.

  L’arrêté du 8 octobre 2018 concernant les animaux sauvages a remplacé en réalité deux arrêtés du 10 août 2004. Ce nouvel arrêté est loin de lutter contre le trafic des animaux sauvages ni d’améliorer le sort des animaux captifs selon la LFDA (La Fondation Droit Animal qui lui a consacré d’ailleurs un article : Détention d’animaux sauvages : une nouvelle réglementation insatisfaisante

  Historiquement et pour faire simple, dans les foyers français et avant les années 1970, les animaux qui étaient considérés comme « de compagnie » étaient surtout les chiens et les chats. Après les années 1970, les français se sont mis à accueillir d’autres animaux familiers que l’on appelle aujourd’hui « Nouveaux animaux de compagnie » ou NAC (on doit l’expression de NAC au Dr Vétérinaire Michel Bellangeon en 1984).

 Les NAC regroupent des espèces sauvages et exotiques mais également des espèces domestiquées depuis longtemps, mais qui, jusque-là, avaient uniquement la vocation d’être exploitées par l’homme, notamment comme produits alimentaires. Ainsi, parmi les espèces domestiques de NAC se trouvent le lapin, le rat, le cochon, la chèvre, le mouton, la vache, l’âne…

  Si on revient aux deux arrêtés cités précédemment, les animaux des espèces domestiques (de la liste du 11 août 2006) peuvent être détenus librement. La détention d’un animal de compagnie non domestique (arrêté du 8 octobre 2018) peut être, selon l’espèce, libre ou soumise à déclaration ou à la possession d’un certificat de capacité.

  Pour bien comprendre les enjeux et les conséquences de la détention d’un animal non domestique ou d’un animal domestique, il est intéressant de revoir quelques définitions en intégrant cette fois, un point de vue scientifique et non seulement le point de vue de la législation.

Qui sont les animaux domestiques ?

  Les animaux domestiques sont le fruit de multiples sélections réalisées par l’homme. La domestication dans son sens le plus restreint implique que l’homme choisisse les animaux qui se reproduisent. Le chat qui échappe souvent au contrôle par les humains concernant leur reproduction (sauf chat élevage) est parfois plus considéré comme une espèce apprivoisée que domestique.

  Au fil de nombreuses générations, les chiens, chevaux, vaches … ont été sélectionnés pour certains traits spécifiques. L’état dans lequel ils sont parvenus après de multiples générations est celui qui permet à la population de se reproduire compte-tenu des contraintes que leur impose l’homme et qu’ils subissent. La domestication des vaches exploitées pour leur lait a permis que ces dernières acceptent la traite.

  Si la domestication a été présentée par plusieurs éthologues dont Konrad Lorenz comme une « dégénérescence », il est plus cohérent aujourd’hui de qualifier cette évolution comme une adaptation aux contraintes imposées par l’homme.

  Annoncer que des animaux sont domestiques, c’est donc impliquer qu’ils vivent dans l’environnement des hommes et qu’ils ont une aptitude à accepter des contacts avec l’homme. L’aptitude à consommer des aliments pauvres, à survivre à la sous-nutrition ( ce que l’on peut observer dans certains élevages industriels) sont aussi des critères qu’il est possible de retenir pour définir l’animal domestique.

  Dans le processus de la domestication, le facteur des changements d’une espèce est donc l’homme et on nomme la sélection réalisée par l’homme, la sélection artificielle.

  La domestication n’a pas entraîné l’apparition de nouvelles espèces car les espèces domestiques restent capables de se reproduire avec les espèces sauvages.

  Par ailleurs, seules quelques races d’animaux domestiques peuvent difficilement d’ensauvager (retourner à la vie sauvage). On peut donner cependant quelques exemples :  les souches de poules qui couvent peu et donc qui ont peu de chance de produire une descendance, les bovins dit culards (comme le blanc-bleu-belge) puisque les naissances se font uniquement par césarienne…

  Toutes les espèces ne peuvent pas devenir des espèces domestiques.

  Il y a des raisons évidentes pour certaines espèces comme les grands prédateurs. A l’âge adulte ces animaux comme tigres, lions, ours, crocodiles… sont dangereux pour l’homme car en tant que grands prédateurs un être humain reste pour eux une proie potentielle. Il faut comprendre que la sélection artificielle ne change pas fondamentalement l’espèce. Et d’ailleurs, c’est pour cette raison aussi que des questions éthiques sont soulevées aujourd’hui notamment dans les élevages industriels où la domestication a été poussée à l’extrême et où les animaux n’ont plus aucune possibilité d’exprimer les comportements de base propres à leur espèce.

  Les éléphants d’Asie qui sont exploités par l’homme dans des activités touristiques ou pour le débardage ne sont pas considérés comme une espèce domestique. Leur reproduction n’a jamais pu être maitrisée par l’homme et les animaux qui sont exploités sont tous des animaux qui ont été capturés dans la nature et qui ont souvent subi un dressage cruel.

 

La domestication des vaches laitières a impliqué que l'animal exploité tolère la traite.

Ceci amène à définir la notion d’animal apprivoisé.

  L’animal apprivoisé n’est pas nécessairement un animal domestique. Un animal sauvage peut être apprivoisé. Apprivoiser veut dire rendre l’animal familier à l’homme. Contrairement à la domestication, des individus de presque toutes les espèces peuvent être apprivoisés.

L’apprivoisement peut précéder la domestication mais dans certains cas, un apprivoisement peut être nécessaire pour des animaux pourtant considérés comme domestiques.

Qu’est-ce qu’un animal sauvage (ou non domestique) ?

L’animal sauvage se définit finalement en opposition à l’animal domestique. C’est un animal appartenant à une espèce qui n’a pas subi de modification par sélection de la part de l’homme. Dans la législation, tous les animaux ne figurant pas dans la liste des animaux domestiques fixée par arrêté ministériel sont donc des animaux sauvages.

  Si la législation française nous permet donc de posséder en tant qu’animal de compagnie des animaux sauvages, faire ce choix n’est éthiquement pas une bonne idée.

  Il faut se débarrasser d’un réflexe anthropocentré (l’anthropocentrisme est un concept philosophique qui considère que l’homme est l’entité centrale et la plus importante de l’univers) et se poser la seule question qui compte, à savoir se demander quels sont les propres besoins de chaque animal? Quelles sont ses motivations dans sa vie, à lui ? Quel est son intérêt dans sa propre vie ? Se poser cette question n’a rien d’une attitude anthropomorphique.

  De nombreux chercheurs en éthologie sont assez unanimes aujourd’hui pour dire nous avons beaucoup sous-estimé les capacités mentales des animaux, notamment parce que les chercheurs n’ont pas posé les bonnes questions aux animaux pendant des décennies. Le seul exemple du langage est édifiant. Pendant très longtemps il fut question de faire apprendre notre langage aux animaux et ce n’est que très récemment que les chercheurs cherchent à comprendre les propres langages des animaux. Dans toutes les espèces, les découvertes sont étonnantes (1).

  Céder à la tentation de l’exotisme est vraiment une erreur et il n’y a pas vraiment de raison valable à accueillir un animal sauvage chez soi (sauf certains cas particuliers) tout simplement aussi parce qu’il est impossible de reproduire leur habitat naturel.

Kaa
Kaa est un python molure (inscrit à l’annexe I (espèces les plus menacées) de la CITES), sa détention est interdite, vous ne pourrez donc pas légalement l’accueillir chez vous.

  Mais les pythons royaux peuvent être achetés pour quelques dizaines d’euros. Ce serpent a-t-il intérêt de vivre sa vie dans un terrarium où il est dans l’incapacité de s’étendre complètement ou préfère-t-il vivre sa vie dans son milieu naturel et suivre ses instincts ? Que va-t-il faire si on ouvre sa cage ? Quand on prend le bon point de vue, et qu’on se pose les bonnes questions, en général la réponse est simple !

 

Python royal détenu dans un terrarium, un environnement et une vie bien pauvre par rapport au milieu naturel.

En conclusion  :

  • Ne pas céder à la tentation du sauvage et de l’exotisme même si la législation le permet !
  • Parmi les espèces domestiques, se renseigner sur les besoins propres de l’espèce pour être certain de pouvoir l’accueillir dans les meilleures conditions possibles.
  • Des milliers d’animaux domestiques sont abandonnés dans des refuges. Ils n’attendent que vous pour accéder à une vie où ils pourront exprimer leur vraie nature et vous révéler la vôtre.

 

(1) Écrit par un collectif de scientifiques Révolutions animales, le génie des animaux, sous la direction de Karine Lou Matignon, Les liens qui libèrent, 2019. Dans cet ouvrage, les scientifiques partagent les découvertes récentes et les pistes actuelles des recherches sur les animaux.

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