Évitez 50% des consultations de dermatologie

  Les puces sont des parasites dont la morphologie est assez unique. Par conséquent, elles ne peuvent quasiment pas être confondues avec d’autres insectes. Il existe environ 2500 espèces et sous-espèces de puces décrites.  Les puces mâles de certaines espèces possèdent les organes génitaux les plus complexes du règne animal et la classification des puces est souvent basée sur la morphologie de ces organes.

La puce du chat

La puce dans l’histoire

  La puce est associée aux pandémies de peste avec le rat. La bactérie responsable de la peste est Yersinia pestis. Elle a été isolée pour la première fois en 1894 par le bactériologiste suisse Alexandre Yersin.

  Cette bactérie est responsable de trois pandémies majeures de peste :

   La première pandémie a démarré en 541 après JC en Afrique du Nord et s’est ensuite répandue dans toute l’Europe méditerranéenne tuant environ 40 millions de personnes au cours des 6ème et 7ème siècles.

  La seconde, généralement appelée peste noire, est apparue en Asie centrale au 14ème siècle et s’est étendue à l’Europe le long du développement des routes commerciales entre ces deux continents. En 1347, au moins 25 millions de personnes sont mortes rien qu’en Europe.

 Certains médecins portaient un masque en forme de long bec recourbé et rempli d’herbes aromatiques sensées les protéger.

Médecin à Rome au 17è siècle. Gravure de Paul Fuerst

   La troisième pandémie de peste, parfois appelée peste moderne, s’est répandue dans le monde entier à la fin des années 1800 après avoir émergé d’un foyer de la province chinoise du Yunnan en 1855. De 1896 à 1948, cette pandémie a causé 12 millions de morts rien qu’en Inde.

  Une puce s’infecte après avoir absorbé la bactérie de la peste dans son repas de sang d’un animal infecté. La bactérie envahit l’intestin de la puce où elle se multiplie rapidement. L’intestin n’est alors plus fonctionnel et les puces n’arrivent plus à s’alimenter. Affamées et plus agressives, elles font des tentatives de piqûres répétées et amplifient donc l’épidémie. Si le blocage intestinal ne disparaît pas, la puce infectée finit par mourir de faim, de déshydratation ou d’intoxication par les toxiques bactériens, en devenant elle-même victime de la peste.

  La peste est toujours présente dans le monde (Asie, Afrique…) et fait quelques centaines de morts par an et elle reste une maladie infectieuse très préoccupante en tant qu’arme biologique potentielle. Elle a déjà eu cette fonction cela plusieurs fois par le passé.

  En 1347, des soldats mongols jetaient des cadavres de peste dans la ville assiégée de Caffa en Crimée. La fuite des habitants infectés de Caffa aurait d’ailleurs joué un rôle dans l’introduction de la peste noire en Europe en 1347.

  Des «bombes à puces » ont été utilisées comme arme biologique dans les années 30 et 40.  Des puces infectées par la peste ont été larguées en Chine par des avions par pulvérisation dans des bombes entraînant la mort de 500 000 chinois.

Affiche du service de sante de l'US-Army pendant la seconde guerre mondiale

Le cycle de la puce

  Les puces adultes sont petites (1 à 8 mm) et sans ailes et souvent aplaties latéralement. Les pattes postérieures sont adaptées au saut.

  Le cycle comprend un œuf, une ou des larves (généralement trois larves) et un stade nymphal. Les adultes femelles peuvent produire des centaines d’œufs au cours de leur vie. Les œufs éclosent généralement en 5 jours. La plupart des espèces ne restent pas sur l’animal qu’elles parasitent en permanence mais n’y sont que pour s’y nourrir.

  Les œufs de puces sont petits,ovales et blanc nacré et mesurent entre 0,1 et 0,5 m, . La plupart des larves de puces sont petites, ressemblent à des vers, très actives et ont un appétit vorace.

  Les œufs collants peuvent adhérer brièvement au pelage de l’hôte mais ils tombent généralement dans l’environnement où ils éclosent quelques jours plus tard. La plupart des larves de puces se nourrissent notamment des déjections des puces adultes qui sont riches en sang.

Oeufs et déjections de puces
Larves de puces

  Le stade nymphal dure généralement 1 à 2 semaines et correspond à la métamorphose du dernier stade larvaire en puce adulte. Il est influencé par la température ambiante et la disponibilité d’animaux à parasiter. Les larves en cours de métamorphose sont généralement entourées d’un cocon soyeux qui est sécrété par le dernier stade larvaire. On parle de pupe de puces. Le cocon est collant et des débris de l’environnement s’y collent et aident à le camoufler.

  Les puces de chat adultes peuvent rester à l’intérieur des cocons pendant quatre ou cinq mois et peuvent ainsi éviter de se retrouver dans conditions environnementales défavorables qui les tueraient comme un environnement trop sec.

  Certaines puces émergent de leur cocon suite à la perception de vibrations ce qui explique les émergences synchronisées lorsque les humains ou les animaux de compagnie retournent dans les locaux laissés vides depuis plusieurs semaines.

Cocons camouflés par des débris

La locomotion des puces 

  La puce est connue pour son saut mais les puces se déplacent surtout en marchant ou courant. Le saut est un moyen d’évasion ou le moyen d’atteindre un animal à parasiter.

  Le mécanisme du saut de la puce est resté une énigme pour les chercheurs pendant très longtemps. Les scientifiques n’arrivaient pas à l’expliquer car les sauts de puce sont en effet trop puissants pour n’être que le résultat d’une simple contraction musculaire.

  Le saut n’est effectivement pas la conséquence d’une action musculaire directe mais est dû à l’expansion soudaine de deux coussinets constitués d’une protéine qui a un pouvoir élastique très important appelée résiline. Cette protéine peut stocker de l’énergie et la libérer plus efficacement que n’importe quel caoutchouc synthétique et plus rapidement que n’importe quel tissu musculaire, ce qui en fait l’une des protéines les plus élastiques connues.

  La résiline est une protéine élastomère que l’on trouve chez de nombreuses espèces d’insectes et d’arthropodes. Elle permet à la plupart des insectes de voler et aux puces de sauter. Les puces sautent en utilisant une modification du mécanisme de vol de leurs ancêtres ailés.

  Chaque coussinet de résiline est assimilable à un ressort et est situé entre le thorax et les pattes les plus postérieures.

Localisation des coussinets de relisine (source Wikipedia)

   Le trochanter (partie de la patte postérieure, voir le schéma ci-dessous) reste au contact du sol jusqu’à la détente complète. Avant de sauter, la puce s’accroupit en contractant les muscles (tergo-trochantériens) ce qui a pour effet de comprimer les coussinets de résiline. Au «décollage», les muscles se relâchent et permettent alors aux coussinets de résiline de se dilater et de transférer brutalement de l’énergie vers les pattes postérieures appuyées sur le sol. Cela se traduit par une accélération d’environ 200 G, catapultant les puces de certaines espèces à plus de 30 cm en environ 0,02 seconde.

  Les propriétés de la résiline ne sont pas affectées par la température, ce qui permet aux puces de sauter même dans des conditions de congélation.

Détail de la patte postérieure d'une puce
Le coussinet de résiline en reprennant brutalement sa forme initiale lorsqu'il n'est pas soumis à compression provoque le saut.

Quelques puces célèbres

  La puce du chat (Ctenocephalides felis) est présente dans le monde entier. S’il y en a une seule à retenir, c’est elle. Elle parasite non seulement les chats domestiques et sauvages, mais aussi les hommes, les chiens et d’autres animaux domestiques. Dans des conditions optimales, une puce de chat femelle peut pondre environ 25 œufs par jour pendant un mois, contribuant à des densités très élevées de puces en un temps relativement court.

  La puce du chien (Ctenocephalides canis) ne se rencontre plus que dans quelques pays ou régions seulement. La puce que l’on retrouve actuellement sur les chiens est la puce du chat (C. felis).

  Le puce de poule européenne (Ceratophyllus gallinae)

  La puce du lapin européen (Spilopsylluscuniculi) Cette puce s’attache généralement aux oreilles des lapins

  En région tropicale et subtropicale, la puce collante (Tunga penetrans) également appelée le jigger ou puce de sable, a une importance médicale et vétérinaire majeure parce que les mâles s’enfouissent dans les tissus des humains et de certains animaux domestiques.

Tunga penetrans dans la truffe d'un chien
Tunga penetrans chez l'homme

  Comme les tiques, les puces sont les vecteurs de nombreux pathogènes, des virus, des bactéries, des protozoaires, et des vers (vers ronds (nématodes) et vers plats (cestodes)) qui infectent une ou plusieurs espèces animales dont parfois l’homme. Il ne faut pas oublier que la simple lésion cutanée provoquée par la piqure des puces est aussi le point d’entrée possible pour de multiples bactéries qui se trouvent naturellement sur la peau.

  Les trois exemples suivants sont cités parce qu’ils sont très fréquents chez les animaux de compagnie :

  La myxomatose est principalement une maladie du lapin européen causée par une infection par le virus Myxoma. Le virus provoque des fibromes bénins chez ces lapins hôtes naturels en Californie (États-Unis), en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Cependant, chez le lapin européen, l’infection est généralement sévère et mortelle. La myxomatose (myxoma virus) en Europe et en Australie atteint les lapins et est souvent mortelle dans la quasi-totalité des cas. Le virus est transmis mécaniquement aux lapins par divers arthropodes sanguinaires, en particulier les moustiques mais aussi la puce du lapin européen (S. cuniculi). Le virus du myxome a été volontairement introduit en Australie en 1950 et en Europe en 1953. Le but de ces introductions était de contrôler les populations de lapins européens en plein essor. Il existe un vaccin pour les lapins de compagnie et qui est fortement recommandé.

  La maladie des griffes du chat est due à une bactérie (bartonella henselae) transmise par la puce du chat et qui atteint l’homme et le chat. La maladie développée chez l’homme provoque des lésions cutanées puis de la fièvre, elle est généralement bénigne mais peut-être grave chez des personnes immunodéprimées.

  Dipylidium caninum est un ténia qui atteint le chat, le chien et l’homme. Chez l’homme, ce sont surtout les enfants qui s’infectent en avalant une puce. L’infection est souvent sans gravité. Les vers adultes de ce ténia parasitent les intestins des chiens et des chats. Des anneaux du vers adultes se détachent et sortent activement de l’anus. Exposés à l’air libre, Ils sèchent partiellement et tombent au sol où ils ressemblent à des grains de riz. Si vous avez des chats, vous en avez probablement déjà observés. Les anneaux contiennent des œufs en nombre variable de quelques dizaines d’œufs à des centaines qui sont ensuite expulsés puis ingérés par les larves de puces.

  La grande majorité des piqûres de puces sur des hommes est due à la puce du chat. Les puces de chat et de chien piquent facilement les humains, surtout si elles sont nombreuses. Les rongeurs vivant proches des habitations peuvent également être une source de puces pouvant piquer les humains. Les puces abandonnent généralement leur hôte quand il meurt. Lors d’éradication par exemple rats domestiques, leurs puces peuvent alors ne pas avoir d’autre choix que de parasiter des hommes.

  Chez le chat et le chien, 50% des consultations de dermatologie sont liées aux puces. L’hypersensibilité à la salive des puces est en effet très courante dans ces deux espèces et entraine des réactions cutanées d’allergie.

  Une seule piqûre de puce peut déclencher une dermatite aiguë, parfois chronique, chez les chiens ou les chats hypersensibles.

  Chez les chats, la dermatite par piqûres de puces se manifeste généralement par des papules violacées qui sont souvent recouvertes d’une croûte; chez les chiens, les croûtes sont généralement absentes. Chez les chats et les chiens, les lésions sont généralement concentrées vers la base de la queue et l’intérieur des cuisses, avec une perte de poils due aux grattages fréquents. Mais les lésions peuvent s’observer à bien d’autres endroits, avec des plaies surinfectées et assez sévères liées aussi au grattage intense.

Lésion chez un chien situé à la base de la queue
Lésion chez un chat au niveau du cou

Les moyens de lutte contre les puces

  La puce du chat infestant chiens, chats et de nombreux animaux sauvages est difficile à contrôler. Le développement de nombreuses espèces de puces est favorisé par l’abondance d’animaux à parasiter, une nourriture abondante pour les larves, une humidité élevée et des températures douces.

  Les efforts de lutte contre les puces doivent être orientés sur les zones où les animaux passent le plus de temps, en particulier là où ils dorment, car ce sont les endroits les plus susceptibles de soutenir le développement des larves de puces. Comme dans le cas des tiques, il est capital de connaître le cycle de développement de la puce car cela permet de comprendre à quel moment du cycle il est le plus efficace d’intervenir pour limiter la multiplication des puces. Dans le cas de la puce, il est intéressant de cibler les œufs et les stades larvaires.

  À l’intérieur des maisons, passer l’aspirateur quotidiennement dans les zones où les animaux se reposent ou dorment peut éliminer les œufs de puces avant qu’ils n’éclosent et permet également d’éliminer les excréments riches en sang dont les larves se nourrissent.

  Pour contrôler immédiatement une infestation de puces, le nettoyage à la vapeur des tapis est assez efficace. Les larves de puces ne peuvent pas survivre si elles sont exposées en plein soleil et les larves sont sensibles à la sécheresse. Les habitats infestés de puces doivent donc être aérés et si possible exposés à la lumière du soleil.

  Les peignes à puces sont très utiles pour contrôler si un animal a des puces ou non et sont une option pour éliminer les puces pour les propriétaires d’animaux qui ne souhaitent pas utiliser d’insecticides. D’ailleurs, les chats qui se toilettent beaucoup éliminent jusqu’à 18% de leurs puces en 24 h.

  Les nombreux produits insecticides proposés à la vente présentent une certaine toxicité pour les animaux ainsi que pour l’environnement et par ailleurs leur utilisation massive est à l’origine de résistance comme pour tous les insecticides. Mais si malgré les mesures précédentes, les puces ne sont pas éliminées, la lutte chimique paraît impossible à éviter.

 Petit point sur le mode d’action des insecticides :

Tous les insecticides n’ont pas le même mode d’action. Certains ont une action systémique (ils se retrouvent dans tout l’organisme et ont une action générale), ce sont notamment ceux qui sont administrés par voie orale. L’insecticide se retrouve dans le sang de l’animal traité. Il sera ingéré par les puces lors d’un repas sanguin. Certains produits administrés à l’aide de pipettes malgré le fait qu’ils soient appliqués sur la peau, la traversent et ont donc aussi une action systémique. Ces pipettes sont appelées « topiques systémiques ».

D’autres molécules appliquées localement ne traversent pas la peau et se fixent dans la couche lipidique de l’épiderme.  L’insecticide va agir sur la puce par contact avec la cuticule dans laquelle il va pénétrer. Ce sont des « topiques non systémiques ».

Je trouve que cette différence est importante à préciser. Personnellement, je privilégie les topiques non systémiques et ne donne des topiques systémiques que dans certains cas particuliers. Le mode d’emploi des pipettes précise si le produit agit de façon topique ou systémique. L’alternance des molécules utilisées pour limiter les résistances et une potentielle accumulation dans les tissus de l’animal traité est sans doute une précaution intéressante.

Certains produits dont ceux contenant de la perméthrine sont toxiques pour les félins et ne doivent pas être utilisés sur les chats mais ni sur les jeunes chiots.

Pour finir, ce qui n’a fait preuve d’aucune efficacité : Les répulsifs à ultrasons, l’apport oral d’ail ou de vitamines du complexe B comme la levure de bière ne sont pas des solutions efficaces pour réduire les populations de puces chez les animaux de compagnie bien qu’elles soient souvent conseillées.

A retenir :

Les puces sont des insectes très fréquents et à l’origine de réactions allergiques très courantes chez les chats et les chiens puisqu’elles représentent 50% des consultations de dermatologie.

Les puces ne sont pas très faciles à éliminer mais il existe de nombreuses recommandations qui permet de rompre le cycle des puces et qu’il faut mettre en place avant d’utiliser des produits chimiques (aspiration, exposition au soleil, peigne à puce…).

Bibliographie

Fleas (siphonaptera). LA Durden, NC Hinkle – Medical and veterinary entomology, Chapître 10, 2019

Enlever une tique est une urgence médicale

rostre d'une tique

  Dès qu’une tique est aperçue sur un animal, il faut l’enlever immédiatement ! La meilleure façon est d’utiliser un crochet à tique qu’il suffit de placer entre la peau et la tique puis de tourner dans un sens ou dans l’autre (sans tirer vers soi). On peut trouver ces crochets en pharmacie mais aussi en dans les grandes surfaces.

  Il faut ensuite bien désinfecter avec n’importe quel désinfectant cutané (mes préférés sont ceux qui contiennent de la chlorhexidine comme la Biseptine) car la tique a percé la peau et cette plaie peut s’infecter comme tout autre plaie et conduire alors à la formation d’un abcès. C’est très facile à faire, la seule difficulté est de maintenir parfois l’animal sans bouger.

  Maintenant, que vous êtes allés vérifier que tous vos animaux n’ont pas de tiques, voyons plus en détails pourquoi il est si important de ne pas les laisser sur un animal. Vous saurez pourquoi et comment les tiques sont aussi un problème de santé publique en médecine humaine puisque les tiques peuvent aussi prendre leur repas sanguin sur un être humain. Vous en avez peut-être d’ailleurs déjà fait l’expérience!

Les tiques prennent du sang mais transportent surtout de nombreuses maladies

  Les tiques sont les parasites des animaux domestiques et sauvages. Aucune espèce de tiques n’est spécifique de l’homme et le parasitisme de l’homme est donc accidentel. Les tiques se nourrissent de sang.

  Dans le monde, 898 espèces et sous-espèces de tiques ont déjà été répertoriées (1). Autant dire que les chercheurs n’ont pas fini de les étudier.

  En prenant du sang à un animal, les tiques peuvent anémier l’animal qu’elles parasitent quand elles sont plusieurs dizaines ou centaines sur un même animal. On considère que le volume de sang qu’une tique prélève est le triple de son propre volume car la tique a la capacité de concentrer le sang au fur et à mesure qu’elle le prélève en rejetant l’eau qu’il contient. La salive des tiques peut aussi contenir des toxines pouvant provoquer des paralysies chez l’homme et les animaux.

Tique qui a déjà pris son repas sanguin.

  Mais le problème le plus important est surtout que les tiques transmettent de nombreux germes appartenant à des groupes variés (une centaine de virus, une quarantaine de bactéries, presque autant de protozoaires (des organismes qui ne sont souvent constitués que d’une seule cellule), et quelques vers (helminthes)). Toutes les tiques ne transportent pas des germes, mais il est impossible de le savoir par avance.

  Les tiques sont donc les plus importants vecteurs de germes pathogènes pour les animaux à l’échelle mondiale. On parle de vecteur quand un organisme propage la maladie sans en être lui-même la cause. D’où le fait qu’elles soient très étudiées de par le monde.

  Beaucoup de maladies ne se rencontrent que dans les régions chaudes du globe mais plusieurs maladies graves s’observent cependant aussi dans les régions tempérées de l’hémisphère nord (2). En France, la maladie la plus fréquente chez l’homme est la maladie de Lyme. La tique qui transmet cette maladie est Ixodes ricinus, très commune dans les forêts et pâturages de France. La maladie de Lyme est due à une bactérie qui s’appelle Borrelia burgdorferi, c’est pourquoi la maladie de Lyme s’appelle aussi Borréliose de Lyme.

Ixodes ricinus transmet aussi le virus de l’encéphalite à tique, maladie rare, mais grave, cette fois due à un virus et originellement localisée en Alsace, mais que l’on retrouve depuis quelques années aussi dans les Alpes. On peut aussi citer comme autre maladie rare mais grave la fièvre boutonneuse humaine à Rickettsia conorii (bactérie) transmise par la tique du chien Rhipicephalus sanguineus.

  En médecine vétérinaire, les problèmes les plus graves se posent aussi dans les zones chaudes du monde. En France, les maladies graves que l’on peut observer sont de très loin les différentes babésioses (le germe à l’origine de la maladie est un protozaire) que l’on appelle aussi piroplasmoses et qui atteint surtout les chiens, les chevaux et les bovins.  Les tiques concernées sont surtout Dermacentor reticularus et Ixodes ricinus (2).

  La piroplasmose est très rare chez le chat en Europe, mais les chats sont sujets à la mycoplasmose (anciennement hémobartonellose, le mycoplasme est un protozoaire).

  Quoi qu’il en soit, même si de nombreuses maladies transmises par les tiques ne sont pas toujours graves ou sont parfois très rares, si ces maladies n’atteignent pas toutes les espèces avec la même gravité, ces quelques explications suffisent à démontrer qu’il ne faut pas laisser de tiques sur un animal quelle qu’en soit l’espèce.

  Attention, la transmission des maladies de la tique à l’animal parasité peut se faire, selon les germes, par la salive mais aussi par régurgitation, par les déjections, lorsque la tique est écrasée et par le liquide coxal (ce nom est donné au liquide que la tique rejette pour concentrer le sang qu’elle aspire et qui est donc constitué essentiellement d’eau).

D’où l’importance de la désinfection de la peau après l’avoir retirée et de ne pas l’écraser ! La solution recommandée est de les brûler. Il faut savoir qu’une tique adulte pond de 2000 à plus de 10000 œufs (pour les grosses espèces des régions chaudes)!

Qu’est-ce qu’une tique ?

Une tique est un arthropode (animaux qui ont des « membres articulés ») (3). L’embranchement des arthropodes est de très loin celui qui possède le plus d’espèces de tout le règne animal, tels les crustacés, arachnides (araignées, scorpions, acariens), insectes …

Les arthropodes possèdent une cuticule (la partie la plus externe de leur organisme qui leur sert de squelette externe).

Les tiques font partie de l’ordre des acariens. Quand on pense à acarien, on ne pense pas aux tiques mais plutôt à tous les acariens invisibles à l’œil nu mais qu’on sait habiter nos maisons jusque dans nos lits !

 

  Chez les tiques, on distingue deux parties, ce qu’on nomme communément la tête (capitulum qui veut dire « petite tête » en latin et le corps (idiosoma).

  Le capitulum est composé de deux palpes, de deux chélicères et d’un hypostome. Les palpes ont un rôle strictement sensoriel.

  L’ensemble hypostome et les deux chélicères s’appelle le rostre. C’est le rostre qui se fixe dans la peau et qui peut y rester fixé quand une tique a été mal retirée. Ce n’est pas l’idéal, mais il vaut mieux mal retirer une tique que de ne pas la retirer!

  Les chélicères sont formés d’un corps et de doigts griffus (l’ensemble peut se rétracter dans une gaine protectrice ou gaine des chélicères). Les doigts sont coupants et puissants et permettent à la tique de couper la peau.

  L’hypostome représente l’organe d’ancrage de la tique dans la peau de l’hôte. Il comporte de nombreuses dents dirigées vers l’arrière. Comme de multiples harpons, ce qui explique qu’une fois l’hypostome ancré, la tique est bien fixée et difficile à décrocher.

  Un canal alimentaire sert alternativement à émettre la salive et à aspirer le sang. Les fonctions de la salive sont multiples chez la tique [1].

rostre d'une tique
Détail du capitulum d'une tique (les deux palpes sensoriels et l'hypostome). Microscope électronique
Schéma représentant la tique fixée dans la peau par son rostre

  Dit-on piqûre ou morsure de tique ?

  Il n’y a pas de bonne réponse, les chercheurs disent l’un ou l’autre ! Disons que si l’on considère l’action des chélicères qui découpent la peau il est plus logique de parler de morsure, mais si l’on regarde l’action de l’hypostome qui s’enfonce comme une lance, il est dans ce cas plus logique de parler de piqûre. Il serait donc plus logique de dire que la tique se fixe donc sur son hôte par une « morsure-piqûre » !

 La vie d’une tique de l’oeuf à l’adulte

  La tique a une alternance de phases dans le milieu naturel qui durent de quelques semaines à plusieurs mois et de phases sur un animal sur lequel elle va prélever du sang. La tique passe en réalité peu de temps sur l’animal qu’elle parasite (une à deux semaines selon les espèces de tiques) par rapport au temps qu’elle passe dans le milieu naturel.

  Les tiques ont trois stades de développement : larve, nymphe, adulte mâle ou femelle. Les œufs pondus par les femelles vont éclore pour donner des larves. La larve après un repas sanguin va se métamorphoser en nymphe, qui se métamorphose ensuite pour donner un adulte mâle ou femelle.

On a vu que les espèces de tiques étaient très nombreuses et ces espèces ont bien sûr des modes de vie très différents mais 80% des espèces de tiques ont un cycle qui comporte trois phases parasitaires sur des animaux différents pour chacun des stades.

  Pour passer d’un stade à l’autre, d’une larve à un nymphe, ou de la nymphe à l’adulte, ce mécanisme de métamorphose est assez extraordinaire.  La métamorphose existe dans de nombreuses espèces animales et elle est plus ou moins spectaculaire en changements. Pensez à la transformation de la chenille en papillon, dans ce cas, c’est dans la chrysalide qu’a lieu la métamorphose.

Dans le cas de la tique, les changements paraissent peu spectaculaires puisque cela semble juste une croissance en taille, c’est en partie vrai. Mais notons tout de même, la larve de tique ne possède que 3 paires de pattes tandis que la nymphe en possède 4 comme la tique adulte.

  Quand le changement ne correspond qu’au renouvellement de son ancienne cuticule et une augmentation de taille pour l’animal, on ne parle pas de métamorphose mais de mue. Ainsi, la larve de tique peut réaliser plusieurs mues avant de se métamorphoser en nymphe.

  Je n’ai pas trouvé de vidéo de métamorphose de tique ni même de mue. Dans les notes, je vous mets malgré tout le lien d’une vidéo de mue d’araignée. Ce n’est pas vraiment comparable mais l’objectif est simplement de se donner une idée de ce qu’est une mue puisqu’il s’agit pour l’animal tout de même de renouveler entièrement sa cuticule. Arachnophobes s’abstenir! [2]

  Ainsi la diversité des cycles des tiques est très importante car les tiques peuvent parasiter une ou plusieurs espèces de vertébrés et les stades larvaires peuvent aussi avoir leur préférence. Tous les vertébrés y compris les reptiles et les batraciens, à l’exception des seuls poissons sont concernés par le parasitisme des tiques.

  Un animal chien ou chat peut-il transmettre des tiques à l’homme ?

  Si la tique est fixée, il n’y aucune raison qu’elle change d’animal. Néanmoins des chercheurs mettent en garde sur l’introduction de larves et de nymphes infectées dans une maison et qui pourrait entraîner des infestations humaines et des transmission d’agents pathogènes par les prochains stades de développement après la mue dans la maison (4) Souvenez-vous de Rhipicephalus sanguineus (qui peut être porteuse de la bactérie à l’origine de la fièvre boutonneuse humaine), rapporté par le chien, cette tique est bien adaptée à vivre dans les maisons.

Comment lutter contre les tiques ?

  Étant donné l’importance des problèmes sanitaires que posent les tiques dans le monde, les recherches pour lutter contre les tiques sont nombreuses. La lutte chimique malheureusement employée à grande échelle a de nombreux inconvénients dont l’apparition de résistance. Concernant les produits chimiques utilisables, ma préférence va aux produits qui restent sur la peau de l’animal et qui ne pénètrent pas dans l’organisme et que l’on trouve sous forme de pipette (spot-on). Attention, ce n’est pas parce qu’on applique une substance sur la peau que celle-ci ne se retrouve pas dans l’organisme (on dit que la pipette a une action « systémique » lorsque la molécule active traverse la peau et se retrouve dans le sang).

  De nombreuses études concernent la lutte biologique. Les tiques ont de multiples prédateurs, des fourmis, oiseaux, rongeurs, lézards, musaraigne, araignées… (5)

  La poule est un prédateur des tiques (6) mais ne comptez pas que sur vos poules pour réguler de façon radicale les populations de tiques de votre jardin.

  Si les rongeurs peuvent être des prédateurs des tiques, ils font surtout partie des animaux parasités par les larves, et ainsi leur prolifération est un facteur favorable pour les tiques.

  Ainsi lorsqu’on a des poules, difficile de savoir si la prédation des poules est plus avantageuse que l’augmentation inévitable des rongeurs dans l’environnement d’un poulailler !

  En pratique, il est donc plutôt inutile de traiter votre chat d’appartement contre les tiques. Pour les chats qui sortent tout dépend de votre environnement et de la présence de tiques ou non.

  Pour les chiens, la piroplasmose étant la maladie à tique la plus fréquente et parfois  très grave, il est plus que raisonnable de faire une prévention par médicament sachant que cela n’empêche pas non plus d’inspecter très régulièrement son animal puisqu’un traitement chimique n’est pas non plus fiable à 100%.

  La prévention chez les équidés est plus compliquée. L’idéal est d’inspecter les animaux plusieurs fois par jour. Les traitements chimiques possibles chez les équidés ont un effet qui dure peu de temps.

  Des répulsifs naturels sont à tester comme notamment le PMD ( p-methane-3,8-diol) que l’on trouve dans l’huile essentielle des feuilles de l’eucalyptus citronné (Corymbia citriodora) (7).

A retenir

Une tique s’enlève en urgence quel que soit l’animal concerné!

Il est indispensable d’inspecter ses animaux au moins une fois par jour dans les périodes où l’on constate que les tiques sont fréquentes.

Les tiques transmettent de très nombreuses maladies en transportant avec elles : bactéries (100 connues), virus (40 connus), protozaires (presque 40 déjà connus).

La maladie de Lyme et les piroplasmoses chez les animaux sont les maladies transmises par les tiques les plus fréquentes et les plus graves que l’on trouve en France.

Ce que je fais pour mes animaux :

Les chats

Inutile de traiter un chat d’appartement contre les tiques et de même si vous ne trouvez qu’une ou deux tiques par an sur votre chat qui sort.

Pipettes spot-on non systémiques à appliquer régulièrement si votre chat attrape fréquemment des tiques.

Si votre chat présente un jour une anémie, le diagnostic d’une mycoplasmose sera peut-être posé.

La piroplasmose est très rare chez le chat.

Les chiens

Piroplasmose fréquente

Pipettes spot-on non systémiques recommandées toute l’année.

Les symptômes à surveiller sur votre chien surtout si vous lui avez retiré des tiques sont une fièvre (température rectale supérieure à 39,5°C) et des urines foncées (marron jusqu’à noire). Le diagnostic de piroplasmose est alors très probable. Il est alors urgent de consulter. Mais attention, les symptômes sont parfois plus discrets et le chien peut paraître seulement un peu abattu et refuser de s’alimenter.

Si vous recherchez et enlevez les tiques régulièrement sur votre chien et si en plus vous lui mettez des pipettes, il a alors très peu de chance de contracter la piroplasmose.

Les chevaux, les vaches.

Piroplasmoses.

J’utilisais des solutions externes (à base de deltamétrine) mais leur toxicité, leur courte efficacité (quelques jours chez le cheval) et leur difficulté d’application (il faut mouiller entièrement l’animal avec une solution diluée) ont fait que je ne les utilise plus.

Les répulsifs notamment à base d’huile essentielle d’eucalyptus citronné sont à tester.

L’inspection quotidienne est plus que fortement recommandée.

Si vous avez des questions ou des remarques, n’hésitez pas à m’en faire part dans les commentaires!

Notes

[1] La présence de substances (d’insensibilisation, anti-coagulante, anti-immunitaire, anti-inflammatoire aide au percement de la peau et au prélèvement de sang dans des conditions de moindre réaction de l’hôte. La salive permet aussi aux tiques de survivre dans des atmosphères sèches (substances hygroscopiques) et permet d’évacuer l’eau provenant du sang que la tique va concentrer.

[2 ] Vidéo de mue d’araignée (arachnophobe s’abstenir !). C’est vraiment extraordinaire à observer. Regardez comme l’animal s’extrait de son ancien squelette que l’on appelle cuticule. Ce mécanisme est assez complexe puisque la nouvelle cuticule est déjà formée en-dessous. Une mue peut permettre à l’animal de grandir en taille ce qui n’est pas forcément évident puisqu’il sort d’une enveloppe solide ! En réalité, c’est possible car le durcissement de la nouvelle cuticule n’est pas immédiat ce qui permet la croissance de l’animal avant que la cuticule finisse par durçir. En visionnant cette vidéo n’oubliez pas qu’elle est enregistrée en accélérer et que la mue de cette araignée dure en réalité 10h ! Dans le cas des tiques, la métamorphose qui transforme la larve en nymphe dure de 1 à 4 semaines, il faut imaginer un processus très lent !

Bibliographie

(1) C. Perez, B. Gilot. Les tiques : cycles, habitats, hôtes, rôle pathogène, lutte. Méd Mal Infect. 1998 ; 28, No Spécial : 335-43

(2) F. Jongejean, G. Uilenberg. The global importance of ticks. Parasitology .2004. 129, S3 – S14.

(3) Claudine Perez _ Les tiques : identification biologie importance médicale et vétérinaire (Coll. Monographies de microbiologie) – Eid – 2007

(4) Filipe Dantas-Torres, Bruno B. Chomel and Domenico Otranto. Trends in Parasitology October 2012, Vol. 28, No. 10. Ticks and tick-borne diseases: A One Health perspective..

(5) Christina Due, Wendy Fox, Jolyon M Medlock, Maaike Pietzsch, James G Logan. Tick bite prevention and tick removal. 2013. BMJ 2013;347:f7123

(6) Esther N. Mwangi , Olusegun O. Dipeolu , Robin M. Newson , Godwin P. Kaaya & Shwagi M. Hassan (1991) Predators, parasitoids and pathogens of ticks: A review, Biocontrol Science and Technology, 1:3, 147-156

(7) S.M. Hassan, O.O. Dipeolu, A.O. Amoo and T.R. Odhiambo. Predation on livestock ticks by chickens.Veterinary Parasitology, 38 ( 1991 ) 199-204 199.

Mon animal de compagnie, la loi et l’éthique

Kaa

  Autant le dire tout de suite, je n’aime pas vraiment le terme « animal de compagnie ». Je trouve que cela ne représente pas vraiment ce que nous apporte la fréquentation quotidienne d’autres espèces dans la mesure où côtoyer les animaux va bien au-delà d’une simple « compagnie ».

  Mais, ce terme « animal de compagnie » a une réalité juridique et c’est ainsi que sont désignés les animaux qu’il est possible de détenir chez soi. La loi française en donne la définition suivante : l’animal de compagnie est « tout animal détenu par une personne pour son agrément ». Le terme « agrément » de la définition me convient encore moins puisqu’il implique que l’animal n’est détenu que pour le plaisir de l’homme et sans avantage réciproque pour l’animal.

  Je fais partie de ceux qui sont persuadés que côtoyer le monde animal a quelque chose de vital pour notre propre espèce dans la mesure où les animaux sont un lien qui permet d’être connecté à la Nature. En observant d’autres espèces animales, en vivant avec elles, c’est aussi la compréhension de notre espèce qui est en jeu. Je trouve cela d’autant plus important dans une société qui devient chaque jour de plus en plus artificielle et qui a déclaré semble-t-il la guerre au monde vivant.

  Quand j’ai cherché à savoir qui étaient finalement les « animaux de compagnie » qu’un particulier pouvait détenir légalement en France, je m’attendais à trouver une simple liste sur le site officiel du gouvernement. Ce ne fut pas le cas. 

 En France, la liste de des animaux de compagnie est en réalité fixée par deux arrêtés puisqu’ils se réfèrent à deux catégories d’animaux bien différents, d’une part, les animaux domestiques dont la liste est établie dans l’Arrêté du 11 août 2006  fixant la liste des espèces, races ou variétés d’animaux domestiques et d’autre part, certains animaux sauvages concernés par l’Arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques.

  Sous le terme d’«animal de compagnie » est donc regroupé une multitude d’espèces, à la fois domestiques et malheureusement sauvages. Je dis, malheureusement, car pour bien des espèces et dans bien des cas les animaux sauvages devraient être laissés libres dans leur milieu naturel et non faire l’objet d’une détention par l’homme.

  L’arrêté du 8 octobre 2018 concernant les animaux sauvages a remplacé en réalité deux arrêtés du 10 août 2004. Ce nouvel arrêté est loin de lutter contre le trafic des animaux sauvages ni d’améliorer le sort des animaux captifs selon la LFDA (La Fondation Droit Animal qui lui a consacré d’ailleurs un article : Détention d’animaux sauvages : une nouvelle réglementation insatisfaisante

  Historiquement et pour faire simple, dans les foyers français et avant les années 1970, les animaux qui étaient considérés comme « de compagnie » étaient surtout les chiens et les chats. Après les années 1970, les français se sont mis à accueillir d’autres animaux familiers que l’on appelle aujourd’hui « Nouveaux animaux de compagnie » ou NAC (on doit l’expression de NAC au Dr Vétérinaire Michel Bellangeon en 1984).

 Les NAC regroupent des espèces sauvages et exotiques mais également des espèces domestiquées depuis longtemps, mais qui, jusque-là, avaient uniquement la vocation d’être exploitées par l’homme, notamment comme produits alimentaires. Ainsi, parmi les espèces domestiques de NAC se trouvent le lapin, le rat, le cochon, la chèvre, le mouton, la vache, l’âne…

  Si on revient aux deux arrêtés cités précédemment, les animaux des espèces domestiques (de la liste du 11 août 2006) peuvent être détenus librement. La détention d’un animal de compagnie non domestique (arrêté du 8 octobre 2018) peut être, selon l’espèce, libre ou soumise à déclaration ou à la possession d’un certificat de capacité.

  Pour bien comprendre les enjeux et les conséquences de la détention d’un animal non domestique ou d’un animal domestique, il est intéressant de revoir quelques définitions en intégrant cette fois, un point de vue scientifique et non seulement le point de vue de la législation.

Qui sont les animaux domestiques ?

  Les animaux domestiques sont le fruit de multiples sélections réalisées par l’homme. La domestication dans son sens le plus restreint implique que l’homme choisisse les animaux qui se reproduisent. Le chat qui échappe souvent au contrôle par les humains concernant leur reproduction (sauf chat élevage) est parfois plus considéré comme une espèce apprivoisée que domestique.

  Au fil de nombreuses générations, les chiens, chevaux, vaches … ont été sélectionnés pour certains traits spécifiques. L’état dans lequel ils sont parvenus après de multiples générations est celui qui permet à la population de se reproduire compte-tenu des contraintes que leur impose l’homme et qu’ils subissent. La domestication des vaches exploitées pour leur lait a permis que ces dernières acceptent la traite.

  Si la domestication a été présentée par plusieurs éthologues dont Konrad Lorenz comme une « dégénérescence », il est plus cohérent aujourd’hui de qualifier cette évolution comme une adaptation aux contraintes imposées par l’homme.

  Annoncer que des animaux sont domestiques, c’est donc impliquer qu’ils vivent dans l’environnement des hommes et qu’ils ont une aptitude à accepter des contacts avec l’homme. L’aptitude à consommer des aliments pauvres, à survivre à la sous-nutrition ( ce que l’on peut observer dans certains élevages industriels) sont aussi des critères qu’il est possible de retenir pour définir l’animal domestique.

  Dans le processus de la domestication, le facteur des changements d’une espèce est donc l’homme et on nomme la sélection réalisée par l’homme, la sélection artificielle.

  La domestication n’a pas entraîné l’apparition de nouvelles espèces car les espèces domestiques restent capables de se reproduire avec les espèces sauvages.

  Par ailleurs, seules quelques races d’animaux domestiques peuvent difficilement d’ensauvager (retourner à la vie sauvage). On peut donner cependant quelques exemples :  les souches de poules qui couvent peu et donc qui ont peu de chance de produire une descendance, les bovins dit culards (comme le blanc-bleu-belge) puisque les naissances se font uniquement par césarienne…

  Toutes les espèces ne peuvent pas devenir des espèces domestiques.

  Il y a des raisons évidentes pour certaines espèces comme les grands prédateurs. A l’âge adulte ces animaux comme tigres, lions, ours, crocodiles… sont dangereux pour l’homme car en tant que grands prédateurs un être humain reste pour eux une proie potentielle. Il faut comprendre que la sélection artificielle ne change pas fondamentalement l’espèce. Et d’ailleurs, c’est pour cette raison aussi que des questions éthiques sont soulevées aujourd’hui notamment dans les élevages industriels où la domestication a été poussée à l’extrême et où les animaux n’ont plus aucune possibilité d’exprimer les comportements de base propres à leur espèce.

  Les éléphants d’Asie qui sont exploités par l’homme dans des activités touristiques ou pour le débardage ne sont pas considérés comme une espèce domestique. Leur reproduction n’a jamais pu être maitrisée par l’homme et les animaux qui sont exploités sont tous des animaux qui ont été capturés dans la nature et qui ont souvent subi un dressage cruel.

 

La domestication des vaches laitières a impliqué que l'animal exploité tolère la traite.

Ceci amène à définir la notion d’animal apprivoisé.

  L’animal apprivoisé n’est pas nécessairement un animal domestique. Un animal sauvage peut être apprivoisé. Apprivoiser veut dire rendre l’animal familier à l’homme. Contrairement à la domestication, des individus de presque toutes les espèces peuvent être apprivoisés.

L’apprivoisement peut précéder la domestication mais dans certains cas, un apprivoisement peut être nécessaire pour des animaux pourtant considérés comme domestiques.

Qu’est-ce qu’un animal sauvage (ou non domestique) ?

L’animal sauvage se définit finalement en opposition à l’animal domestique. C’est un animal appartenant à une espèce qui n’a pas subi de modification par sélection de la part de l’homme. Dans la législation, tous les animaux ne figurant pas dans la liste des animaux domestiques fixée par arrêté ministériel sont donc des animaux sauvages.

  Si la législation française nous permet donc de posséder en tant qu’animal de compagnie des animaux sauvages, faire ce choix n’est éthiquement pas une bonne idée.

  Il faut se débarrasser d’un réflexe anthropocentré (l’anthropocentrisme est un concept philosophique qui considère que l’homme est l’entité centrale et la plus importante de l’univers) et se poser la seule question qui compte, à savoir se demander quels sont les propres besoins de chaque animal? Quelles sont ses motivations dans sa vie, à lui ? Quel est son intérêt dans sa propre vie ? Se poser cette question n’a rien d’une attitude anthropomorphique.

  De nombreux chercheurs en éthologie sont assez unanimes aujourd’hui pour dire nous avons beaucoup sous-estimé les capacités mentales des animaux, notamment parce que les chercheurs n’ont pas posé les bonnes questions aux animaux pendant des décennies. Le seul exemple du langage est édifiant. Pendant très longtemps il fut question de faire apprendre notre langage aux animaux et ce n’est que très récemment que les chercheurs cherchent à comprendre les propres langages des animaux. Dans toutes les espèces, les découvertes sont étonnantes (1).

  Céder à la tentation de l’exotisme est vraiment une erreur et il n’y a pas vraiment de raison valable à accueillir un animal sauvage chez soi (sauf certains cas particuliers) tout simplement aussi parce qu’il est impossible de reproduire leur habitat naturel.

Kaa
Kaa est un python molure (inscrit à l’annexe I (espèces les plus menacées) de la CITES), sa détention est interdite, vous ne pourrez donc pas légalement l’accueillir chez vous.

  Mais les pythons royaux peuvent être achetés pour quelques dizaines d’euros. Ce serpent a-t-il intérêt de vivre sa vie dans un terrarium où il est dans l’incapacité de s’étendre complètement ou préfère-t-il vivre sa vie dans son milieu naturel et suivre ses instincts ? Que va-t-il faire si on ouvre sa cage ? Quand on prend le bon point de vue, et qu’on se pose les bonnes questions, en général la réponse est simple !

 

Python royal détenu dans un terrarium, un environnement et une vie bien pauvre par rapport au milieu naturel.

En conclusion  :

  • Ne pas céder à la tentation du sauvage et de l’exotisme même si la législation le permet !
  • Parmi les espèces domestiques, se renseigner sur les besoins propres de l’espèce pour être certain de pouvoir l’accueillir dans les meilleures conditions possibles.
  • Des milliers d’animaux domestiques sont abandonnés dans des refuges. Ils n’attendent que vous pour accéder à une vie où ils pourront exprimer leur vraie nature et vous révéler la vôtre.

 

(1) Écrit par un collectif de scientifiques Révolutions animales, le génie des animaux, sous la direction de Karine Lou Matignon, Les liens qui libèrent, 2019. Dans cet ouvrage, les scientifiques partagent les découvertes récentes et les pistes actuelles des recherches sur les animaux.