Dès qu’une tique est aperçue sur un animal, il faut l’enlever immédiatement ! La meilleure façon est d’utiliser un crochet à tique qu’il suffit de placer entre la peau et la tique puis de tourner dans un sens ou dans l’autre (sans tirer vers soi). On peut trouver ces crochets en pharmacie mais aussi en dans les grandes surfaces.
Il faut ensuite bien désinfecter avec n’importe quel désinfectant cutané (mes préférés sont ceux qui contiennent de la chlorhexidine comme la Biseptine) car la tique a percé la peau et cette plaie peut s’infecter comme tout autre plaie et conduire alors à la formation d’un abcès. C’est très facile à faire, la seule difficulté est de maintenir parfois l’animal sans bouger.
Maintenant, que vous êtes allés vérifier que tous vos animaux n’ont pas de tiques, voyons plus en détails pourquoi il est si important de ne pas les laisser sur un animal. Vous saurez pourquoi et comment les tiques sont aussi un problème de santé publique en médecine humaine puisque les tiques peuvent aussi prendre leur repas sanguin sur un être humain. Vous en avez peut-être d’ailleurs déjà fait l’expérience!
Les tiques prennent du sang mais transportent surtout de nombreuses maladies
Les tiques sont les parasites des animaux domestiques et sauvages. Aucune espèce de tiques n’est spécifique de l’homme et le parasitisme de l’homme est donc accidentel. Les tiques se nourrissent de sang.
Dans le monde, 898 espèces et sous-espèces de tiques ont déjà été répertoriées (1). Autant dire que les chercheurs n’ont pas fini de les étudier.
En prenant du sang à un animal, les tiques peuvent anémier l’animal qu’elles parasitent quand elles sont plusieurs dizaines ou centaines sur un même animal. On considère que le volume de sang qu’une tique prélève est le triple de son propre volume car la tique a la capacité de concentrer le sang au fur et à mesure qu’elle le prélève en rejetant l’eau qu’il contient. La salive des tiques peut aussi contenir des toxines pouvant provoquer des paralysies chez l’homme et les animaux.
Mais le problème le plus important est surtout que les tiques transmettent de nombreux germes appartenant à des groupes variés (une centaine de virus, une quarantaine de bactéries, presque autant de protozoaires (des organismes qui ne sont souvent constitués que d’une seule cellule), et quelques vers (helminthes)). Toutes les tiques ne transportent pas des germes, mais il est impossible de le savoir par avance.
Les tiques sont donc les plus importants vecteurs de germes pathogènes pour les animaux à l’échelle mondiale. On parle de vecteur quand un organisme propage la maladie sans en être lui-même la cause. D’où le fait qu’elles soient très étudiées de par le monde.
Beaucoup de maladies ne se rencontrent que dans les régions chaudes du globe mais plusieurs maladies graves s’observent cependant aussi dans les régions tempérées de l’hémisphère nord (2). En France, la maladie la plus fréquente chez l’homme est la maladie de Lyme. La tique qui transmet cette maladie est Ixodes ricinus, très commune dans les forêts et pâturages de France. La maladie de Lyme est due à une bactérie qui s’appelle Borrelia burgdorferi, c’est pourquoi la maladie de Lyme s’appelle aussi Borréliose de Lyme.
Ixodes ricinus transmet aussi le virus de l’encéphalite à tique, maladie rare, mais grave, cette fois due à un virus et originellement localisée en Alsace, mais que l’on retrouve depuis quelques années aussi dans les Alpes. On peut aussi citer comme autre maladie rare mais grave la fièvre boutonneuse humaine à Rickettsia conorii (bactérie) transmise par la tique du chien Rhipicephalus sanguineus.
En médecine vétérinaire, les problèmes les plus graves se posent aussi dans les zones chaudes du monde. En France, les maladies graves que l’on peut observer sont de très loin les différentes babésioses (le germe à l’origine de la maladie est un protozaire) que l’on appelle aussi piroplasmoses et qui atteint surtout les chiens, les chevaux et les bovins. Les tiques concernées sont surtout Dermacentor reticularus et Ixodes ricinus (2).
La piroplasmose est très rare chez le chat en Europe, mais les chats sont sujets à la mycoplasmose (anciennement hémobartonellose, le mycoplasme est un protozoaire).
Quoi qu’il en soit, même si de nombreuses maladies transmises par les tiques ne sont pas toujours graves ou sont parfois très rares, si ces maladies n’atteignent pas toutes les espèces avec la même gravité, ces quelques explications suffisent à démontrer qu’il ne faut pas laisser de tiques sur un animal quelle qu’en soit l’espèce.
Attention, la transmission des maladies de la tique à l’animal parasité peut se faire, selon les germes, par la salive mais aussi par régurgitation, par les déjections, lorsque la tique est écrasée et par le liquide coxal (ce nom est donné au liquide que la tique rejette pour concentrer le sang qu’elle aspire et qui est donc constitué essentiellement d’eau).
D’où l’importance de la désinfection de la peau après l’avoir retirée et de ne pas l’écraser ! La solution recommandée est de les brûler. Il faut savoir qu’une tique adulte pond de 2000 à plus de 10000 œufs (pour les grosses espèces des régions chaudes)!
Qu’est-ce qu’une tique ?
Une tique est un arthropode (animaux qui ont des « membres articulés ») (3). L’embranchement des arthropodes est de très loin celui qui possède le plus d’espèces de tout le règne animal, tels les crustacés, arachnides (araignées, scorpions, acariens), insectes …
Les arthropodes possèdent une cuticule (la partie la plus externe de leur organisme qui leur sert de squelette externe).
Les tiques font partie de l’ordre des acariens. Quand on pense à acarien, on ne pense pas aux tiques mais plutôt à tous les acariens invisibles à l’œil nu mais qu’on sait habiter nos maisons jusque dans nos lits !
Chez les tiques, on distingue deux parties, ce qu’on nomme communément la tête (capitulum qui veut dire « petite tête » en latin et le corps (idiosoma).
Le capitulum est composé de deux palpes, de deux chélicères et d’un hypostome. Les palpes ont un rôle strictement sensoriel.
L’ensemble hypostome et les deux chélicères s’appelle le rostre. C’est le rostre qui se fixe dans la peau et qui peut y rester fixé quand une tique a été mal retirée. Ce n’est pas l’idéal, mais il vaut mieux mal retirer une tique que de ne pas la retirer!
Les chélicères sont formés d’un corps et de doigts griffus (l’ensemble peut se rétracter dans une gaine protectrice ou gaine des chélicères). Les doigts sont coupants et puissants et permettent à la tique de couper la peau.
L’hypostome représente l’organe d’ancrage de la tique dans la peau de l’hôte. Il comporte de nombreuses dents dirigées vers l’arrière. Comme de multiples harpons, ce qui explique qu’une fois l’hypostome ancré, la tique est bien fixée et difficile à décrocher.
Un canal alimentaire sert alternativement à émettre la salive et à aspirer le sang. Les fonctions de la salive sont multiples chez la tique [1].
Dit-on piqûre ou morsure de tique ?
Il n’y a pas de bonne réponse, les chercheurs disent l’un ou l’autre ! Disons que si l’on considère l’action des chélicères qui découpent la peau il est plus logique de parler de morsure, mais si l’on regarde l’action de l’hypostome qui s’enfonce comme une lance, il est dans ce cas plus logique de parler de piqûre. Il serait donc plus logique de dire que la tique se fixe donc sur son hôte par une « morsure-piqûre » !
La vie d’une tique de l’oeuf à l’adulte
La tique a une alternance de phases dans le milieu naturel qui durent de quelques semaines à plusieurs mois et de phases sur un animal sur lequel elle va prélever du sang. La tique passe en réalité peu de temps sur l’animal qu’elle parasite (une à deux semaines selon les espèces de tiques) par rapport au temps qu’elle passe dans le milieu naturel.
Les tiques ont trois stades de développement : larve, nymphe, adulte mâle ou femelle. Les œufs pondus par les femelles vont éclore pour donner des larves. La larve après un repas sanguin va se métamorphoser en nymphe, qui se métamorphose ensuite pour donner un adulte mâle ou femelle.
Pour passer d’un stade à l’autre, d’une larve à un nymphe, ou de la nymphe à l’adulte, ce mécanisme de métamorphose est assez extraordinaire. La métamorphose existe dans de nombreuses espèces animales et elle est plus ou moins spectaculaire en changements. Pensez à la transformation de la chenille en papillon, dans ce cas, c’est dans la chrysalide qu’a lieu la métamorphose.
Dans le cas de la tique, les changements paraissent peu spectaculaires puisque cela semble juste une croissance en taille, c’est en partie vrai. Mais notons tout de même, la larve de tique ne possède que 3 paires de pattes tandis que la nymphe en possède 4 comme la tique adulte.
Quand le changement ne correspond qu’au renouvellement de son ancienne cuticule et une augmentation de taille pour l’animal, on ne parle pas de métamorphose mais de mue. Ainsi, la larve de tique peut réaliser plusieurs mues avant de se métamorphoser en nymphe.
Je n’ai pas trouvé de vidéo de métamorphose de tique ni même de mue. Dans les notes, je vous mets malgré tout le lien d’une vidéo de mue d’araignée. Ce n’est pas vraiment comparable mais l’objectif est simplement de se donner une idée de ce qu’est une mue puisqu’il s’agit pour l’animal tout de même de renouveler entièrement sa cuticule. Arachnophobes s’abstenir! [2]
Ainsi la diversité des cycles des tiques est très importante car les tiques peuvent parasiter une ou plusieurs espèces de vertébrés et les stades larvaires peuvent aussi avoir leur préférence. Tous les vertébrés y compris les reptiles et les batraciens, à l’exception des seuls poissons sont concernés par le parasitisme des tiques.
Un animal chien ou chat peut-il transmettre des tiques à l’homme ?
Si la tique est fixée, il n’y aucune raison qu’elle change d’animal. Néanmoins des chercheurs mettent en garde sur l’introduction de larves et de nymphes infectées dans une maison et qui pourrait entraîner des infestations humaines et des transmission d’agents pathogènes par les prochains stades de développement après la mue dans la maison (4) Souvenez-vous de Rhipicephalus sanguineus (qui peut être porteuse de la bactérie à l’origine de la fièvre boutonneuse humaine), rapporté par le chien, cette tique est bien adaptée à vivre dans les maisons.
Comment lutter contre les tiques ?
Étant donné l’importance des problèmes sanitaires que posent les tiques dans le monde, les recherches pour lutter contre les tiques sont nombreuses. La lutte chimique malheureusement employée à grande échelle a de nombreux inconvénients dont l’apparition de résistance. Concernant les produits chimiques utilisables, ma préférence va aux produits qui restent sur la peau de l’animal et qui ne pénètrent pas dans l’organisme et que l’on trouve sous forme de pipette (spot-on). Attention, ce n’est pas parce qu’on applique une substance sur la peau que celle-ci ne se retrouve pas dans l’organisme (on dit que la pipette a une action « systémique » lorsque la molécule active traverse la peau et se retrouve dans le sang).
De nombreuses études concernent la lutte biologique. Les tiques ont de multiples prédateurs, des fourmis, oiseaux, rongeurs, lézards, musaraigne, araignées… (5)
La poule est un prédateur des tiques (6) mais ne comptez pas que sur vos poules pour réguler de façon radicale les populations de tiques de votre jardin.
Si les rongeurs peuvent être des prédateurs des tiques, ils font surtout partie des animaux parasités par les larves, et ainsi leur prolifération est un facteur favorable pour les tiques.
Ainsi lorsqu’on a des poules, difficile de savoir si la prédation des poules est plus avantageuse que l’augmentation inévitable des rongeurs dans l’environnement d’un poulailler !
En pratique, il est donc plutôt inutile de traiter votre chat d’appartement contre les tiques. Pour les chats qui sortent tout dépend de votre environnement et de la présence de tiques ou non.
Pour les chiens, la piroplasmose étant la maladie à tique la plus fréquente et parfois très grave, il est plus que raisonnable de faire une prévention par médicament sachant que cela n’empêche pas non plus d’inspecter très régulièrement son animal puisqu’un traitement chimique n’est pas non plus fiable à 100%.
La prévention chez les équidés est plus compliquée. L’idéal est d’inspecter les animaux plusieurs fois par jour. Les traitements chimiques possibles chez les équidés ont un effet qui dure peu de temps.
Des répulsifs naturels sont à tester comme notamment le PMD ( p-methane-3,8-diol) que l’on trouve dans l’huile essentielle des feuilles de l’eucalyptus citronné (Corymbia citriodora) (7).
A retenir
Une tique s’enlève en urgence quel que soit l’animal concerné!
Il est indispensable d’inspecter ses animaux au moins une fois par jour dans les périodes où l’on constate que les tiques sont fréquentes.
Les tiques transmettent de très nombreuses maladies en transportant avec elles : bactéries (100 connues), virus (40 connus), protozaires (presque 40 déjà connus).
La maladie de Lyme et les piroplasmoses chez les animaux sont les maladies transmises par les tiques les plus fréquentes et les plus graves que l’on trouve en France.
Ce que je fais pour mes animaux :
Les chats
Inutile de traiter un chat d’appartement contre les tiques et de même si vous ne trouvez qu’une ou deux tiques par an sur votre chat qui sort.
Pipettes spot-on non systémiques à appliquer régulièrement si votre chat attrape fréquemment des tiques.
Si votre chat présente un jour une anémie, le diagnostic d’une mycoplasmose sera peut-être posé.
La piroplasmose est très rare chez le chat.
Les chiens
Piroplasmose fréquente
Pipettes spot-on non systémiques recommandées toute l’année.
Les symptômes à surveiller sur votre chien surtout si vous lui avez retiré des tiques sont une fièvre (température rectale supérieure à 39,5°C) et des urines foncées (marron jusqu’à noire). Le diagnostic de piroplasmose est alors très probable. Il est alors urgent de consulter. Mais attention, les symptômes sont parfois plus discrets et le chien peut paraître seulement un peu abattu et refuser de s’alimenter.
Si vous recherchez et enlevez les tiques régulièrement sur votre chien et si en plus vous lui mettez des pipettes, il a alors très peu de chance de contracter la piroplasmose.
Les chevaux, les vaches.
Piroplasmoses.
J’utilisais des solutions externes (à base de deltamétrine) mais leur toxicité, leur courte efficacité (quelques jours chez le cheval) et leur difficulté d’application (il faut mouiller entièrement l’animal avec une solution diluée) ont fait que je ne les utilise plus.
Les répulsifs notamment à base d’huile essentielle d’eucalyptus citronné sont à tester.
L’inspection quotidienne est plus que fortement recommandée.
Si vous avez des questions ou des remarques, n’hésitez pas à m’en faire part dans les commentaires!
Notes
[1] La présence de substances (d’insensibilisation, anti-coagulante, anti-immunitaire, anti-inflammatoire aide au percement de la peau et au prélèvement de sang dans des conditions de moindre réaction de l’hôte. La salive permet aussi aux tiques de survivre dans des atmosphères sèches (substances hygroscopiques) et permet d’évacuer l’eau provenant du sang que la tique va concentrer.
[2 ] Vidéo de mue d’araignée (arachnophobe s’abstenir !). C’est vraiment extraordinaire à observer. Regardez comme l’animal s’extrait de son ancien squelette que l’on appelle cuticule. Ce mécanisme est assez complexe puisque la nouvelle cuticule est déjà formée en-dessous. Une mue peut permettre à l’animal de grandir en taille ce qui n’est pas forcément évident puisqu’il sort d’une enveloppe solide ! En réalité, c’est possible car le durcissement de la nouvelle cuticule n’est pas immédiat ce qui permet la croissance de l’animal avant que la cuticule finisse par durçir. En visionnant cette vidéo n’oubliez pas qu’elle est enregistrée en accélérer et que la mue de cette araignée dure en réalité 10h ! Dans le cas des tiques, la métamorphose qui transforme la larve en nymphe dure de 1 à 4 semaines, il faut imaginer un processus très lent !
Bibliographie
(1) C. Perez, B. Gilot. Les tiques : cycles, habitats, hôtes, rôle pathogène, lutte. Méd Mal Infect. 1998 ; 28, No Spécial : 335-43
(2) F. Jongejean, G. Uilenberg. The global importance of ticks. Parasitology .2004. 129, S3 – S14.
(3) Claudine Perez _ Les tiques : identification biologie importance médicale et vétérinaire (Coll. Monographies de microbiologie) – Eid – 2007
(4) Filipe Dantas-Torres, Bruno B. Chomel and Domenico Otranto. Trends in Parasitology October 2012, Vol. 28, No. 10. Ticks and tick-borne diseases: A One Health perspective..
(5) Christina Due, Wendy Fox, Jolyon M Medlock, Maaike Pietzsch, James G Logan. Tick bite prevention and tick removal. 2013. BMJ 2013;347:f7123
(6) Esther N. Mwangi , Olusegun O. Dipeolu , Robin M. Newson , Godwin P. Kaaya & Shwagi M. Hassan (1991) Predators, parasitoids and pathogens of ticks: A review, Biocontrol Science and Technology, 1:3, 147-156
(7) S.M. Hassan, O.O. Dipeolu, A.O. Amoo and T.R. Odhiambo. Predation on livestock ticks by chickens.Veterinary Parasitology, 38 ( 1991 ) 199-204 199.