La meilleure assurance vie à offrir à votre chiot

« PAS OK »

  Ils sont des dizaines comme Moka et Lynda à défiler sur les fils d’actualité des réseaux sociaux et à chaque fois, je suis un peu plus attristée.

  Ils doivent être placés mais ne sont pas sociables avec les chats ou leurs congénères ou encore avec les enfants ou tous à la fois et leur chance de trouver une famille d’adoption est de ce fait considérablement réduite…

Moka à l'adoption n'est pas sociable avec les chats ni avec ses congénères
Lynda n'est pas sociable avec les enfants en bas âge, ni les chats, ni ses congénères.

  Mais comment un chien devient sociable avec ses congénères ou d’autres espèces ? Pour le comprendre, quelques rappels sur le développement du chien de sa naissance à l’âge adulte sont nécessaires.

Chiot d'environ une semaine, ses paupières ne sont pas encore ouvertes. Les chiots naissent sourds et aveugles.

  Le développement du chiot peut se diviser en trois périodes : la période primaire, la période de socialisation et la période juvénile (1).

  La période primaire dure de la naissance jusqu’à l’âge de 3 semaines. Pendant cette période, ses capacités sensorielles ne sont pas encore pleinement développées.  Les chiots naissent en effet sourds et aveugles, leurs paupières étant même soudées. Les yeux s’ouvrent à une quinzaine de jours, mais il faudra attendre encore une quinzaine de jours pour que leur vue soit aussi performante que celle d’un adulte. Pendant cette période, ils sont donc entièrement dépendants de leur mère et c’est donc surtout par le sens du toucher qu’ils expérimentent le monde ! Il n’est donc pas étonnant que diverses expériences tactiles pendant cette période puissent affecter le comportement ultérieur. Par exemple, dans une étude, les chiots qui ont été manipulés doucement chaque jour au début de leur vie se sont comportés plus calmement à l’âge de 8 semaines que les chiots qui n’ont pas été manipulés.

  Il a également été démontré que les méthodes de stimulation précoce qui produisent un léger stress en manipulant les chiots pendant les 10 premiers jours de leur vie donnent des résultats positifs. Les chiots exposés à une stimulation précoce font face plus facilement à des situations stressantes à l’âge adulte.

  La période de socialisation : entre 3 et 12 semaines

  La mère cesse progressivement de fournir des soins constants aux chiots, et les chiots commencent à jouer et développer des relations sociales avec les autres chiots.

  Les réactions de peur se développent pendant cette période. Scott et Fuller (1) ont montré que les chiots à l’âge de 5 semaines montrent une forte réaction de peur envers tous les bruits forts et les environnements inconnus, mais avec le temps, ils apprennent quels stimuli représentent un danger et lesquels sont inoffensifs.

  Les chiots montrent également de la peur envers les humains au début de cette période, mais cette peur disparaît rapidement avec un contact humain positif régulier. Chez les chiots qui ne sont pas exposés aux humains, la réaction de peur peut devenir permanente. Les chiots qui n’auront pas eu de contacts humains avant l’âge de 14 semaines sont incapables de développer des relations normales avec les humains (2). Au cours de cette période, les chiots ont de moins en moins peur des environnements inconnus et sont attirés par les humains ou des objets nouveaux à condition donc qu’ils aient été exposés à des humains et à de nouvelles expériences dès le début de cette période.

  La période juvénile est la troisième période de développement, elle dure jusqu’à la maturité sexuelle.

  Le processus de socialisation ne se termine pas à la fin de la période de socialisation mais se poursuit dans la période juvénile et il doit même être entretenu pendant toute la vie du chien.

  Pourquoi la période de socialisation est-elle si cruciale?

  La période de socialisation est ce qu’on appelle une période sensible (3).

  On définit une période sensible comme une période limitée dans le temps où l’on observe que les expériences que va vivre l’animal vont avoir un impact fort sur le développement de son cerveau. Les périodes sensibles varient selon les espèces. Chez l’homme, il en existerait au moins quatre. On sait aujourd’hui que ces périodes correspondent à des modifications très importantes dans la structure et donc dans le fonctionnement du cerveau.

  Ce sont les expériences vécues pendant ces périodes qui vont façonner la perception, les capacités cognitives et émotionnelles de chaque individu.

  Les modifications qui se produisent dans le cerveau sont assez spectaculaires puisque par exemple chez l’homme entre la naissance et deux ans, plus de la moitié des neurones vont disparaitre. Les neurones qui restent vont créer aussi beaucoup plus de connexions (synapses) entre eux.

  On sait aujourd’hui que le système nerveux des mammifères est loin d’être une structure figée pendant toute la vie d’un individu. Les neurones meurent en permanence mais ils sont aussi capables de se multiplier. Ils fabriquent également en permanence de nouvelles connexions et en suppriment d’autres. Ces mécanismes sont à l’origine de la notion de la plasticité neuronale qui fait aujourd’hui l’objet de très nombreuses études scientifiques.

  Ce qu’il faut retenir, c’est que pendant les périodes sensibles et donc pendant la période dite de socialisation du chien, le remaniement du système nerveux est considérable et la facilité d’apprentissage très importante.

  Ainsi, si un chien peut apprendre comme l’homme toute sa vie, la période de socialisation doit être mise à profit pour l’apprentissage en favorisant les expériences positives et en évitant autant que possible les expériences négatives.

  Vous n’aimez ni les enfants, ni les chats ? Ce n’est pas grave, vous pourrez malgré tout prendre un peu de temps pour socialiser votre chien aux enfants et aux chats! L’absence de rencontres positives avec d’autres espèces animales, peut conduire à ce que le chien adulte soit incapable de créer des liens sociaux avec ces autres espèces jusqu’à avoir un comportement de prédation.

Dans une expérience (4), les chercheurs ont montré que les chiens qui avaient été en contact avec des enfants pendant la période de socialisation ne montrent à l’âge adulte ni agressivité ni excitation en présence d’un enfant.

Sergeï a été correctement socialisé par sa propriétaire. Il présente un comportement amical avec chats, enfants, congénères, hérissons, ânes ... Sur la photo, il est en pleine séance de jeu avec son amie Zézette.

  Les chiens correctement socialisés quand ils étaient chiots sont moins susceptibles de présenter des problèmes de comportement à l’âge adulte comme l’agressivité et la peur. Ils engagent plus facilement des comportements sociaux positifs avec les humains et peuvent apprendre à jouer avec des humains mieux que les chiens qui n’ont pas connu une bonne socialisation.

 

  Comment socialise-t-on un chiot ?

  La socialisation fait surtout référence au processus dhabituation.

  L’habituation est un type d’apprentissage qui vise à la disparition de la réponse à un stimulus répété régulièrement (On parle parfois de « désensibilisation » dans le langage courant, mais, si ce terme est employé, il vaut mieux réserver pour désigner des modifications de réactions chez l’adulte en non chez le juvénile. »Desensitization » est le terme en anglais pour « habituation »).

  Il s’agit d’exposer progressivement un chiot à de nouvelles expériences, de nouveaux animaux et objets, tout en s’assurant qu’il trouve cette exposition agréable et finisse par ne plus y réagir de façon négative.

  Les exercices de socialisation doivent bien évidemment être adaptées à l’âge et doivent commencer quelques jours après la naissance jusqu’à l’âge adulte.

  Deux précisions sont importantes. Premièrement, il faut toujours garder à l’esprit que l’expérience doit être agréable et progressive donc ce n’est pas une bonne idée d’emmener directement un jeune chiot assister à un feu d’artifice ou dans une ambiance très agitée et bruyante. Dans une étude (5), Blackwell a montré que les chiens adultes craignant les bruits, comme le tonnerre et les feux d’artifice, avaient statistiquement été plus exposés à ces bruits lorsqu’ils avaient moins de 4 mois. L’exposition trop jeune à des bruits trop forts est restée traumatisante pour ces chiens.

Deuxièmement, il faut faire attention à habituer le chiot à un maximum de races différentes de chiens et aussi lui faire connaître des enfants d’âge variés. Le chien a tendance à faire des catégorisations que nous ne faisons pas entre un bébé au berceau, un bébé qui rampe, un jeune enfant, un adolescent et un humain adulte.

  Peut-on trop socialiser?

  Le fait de ne pas avoir de socialisation a des impacts négatifs évidents comme nous l’avons vu mais les chercheurs sont allés plus loin en se demandant quel minimum de socialisation est idéal et surtout s’il existe un maximum de socialisation au-delà duquel toute socialisation supplémentaire est inutile voir nuisible.

  Nous ne savons pas s’il existe un seuil minimal de socialisation idéal. Par contre, une socialisation trop importante et trop précoce est dans certain cas nuisible. Nous avons vu précédemment que les chiots exposés à une stimulation précoce étaient plus résistants au stress à l’âge adulte. Cette affirmation a certaines limites car un état de stress léger semble aussi faire partie intégrante du processus de socialisation. Une habituation trop précoce peut donc avoir des effets négatifs si elle conduit à supprimer tout état de stress. Cette situation qui peut paraître complètement paradoxale a été soulignée dans plusieurs études dans lesquelles des chiens désensibilisés trop tôt sont incapables de gérer certaines situations stressantes qu’ils rencontrent dans leur vie d’adulte (6, 7).

 

A retenir  :

  Même si vous n’aimez ni les enfants, ni les chats, faîtes en sorte que votre chien les aime!

  La période de socialisation chez le chien s’étale entre la 3ème et la 12ème semaine de vie.

  Le manque de socialisation pendant la période sensible ainsi que le manque de socialisation pendant toute la vie du chien joue un rôle important dans le développement de comportements indésirables comme des comportements d’agression, de la peur.

  Socialiser un chien n’est pas forcément évident et si on ne l’a jamais pratiqué, il est plus prudent de se faire aider de personnes qui en ont l’expérience.

  Si votre choix est d’acheter un chiot, il en est de la responsabilité de l’éleveur de l’avoir correctement socialisé. N’achetez pas un animal si vous ne pouvez pas voir les conditions dans lesquelles il aura été élevé.

  Heureusement que des passionnés ont la patience de ré-éduquer des chiens très mal socialisés et peut-être en faites-vous partie?

   Il existe bien entendu également une variabilité individuelle très importante entre les chiens. Certains propriétaires vous diront que leur chien s’est éduqué tout seul. D’autres chiots qui auront connu un véritable enfer se révèleront être malgré tout des chiens sociables et sans problème une fois intégrés dans un environnement cohérent et bienveillant.

L’avenir n’étant pas prédictible, socialiser correctement un chiot reste bien la meilleure assurance vie qu’on puisse lui offrir car la vie des chiens mal socialisés se termine parfois par une euthanasie. Ne l’oublions jamais.

Bibliographie :

(1) Tiffani J Howell  1 , Tammie King  1 , Pauleen C Bennett. Vet Med (Auckl). 2015 Apr 29;6:143-153.  Puppy parties and beyond: the role of early age socialization practices on adult dog behavior

(2) Scott JP. The process of primary socialization in canine and human infants. Monogr Soc Res Child Dev. 1963;28:1–47.

(3) Eric I. Knudsen. Sensitive Periods in the Development of the Brain and Behavior. J Cogn Neurosci. 2004 Oct;16(8):1412-25

(4) Sato Arai, Nobuyo Ohtani, Mitsuaki Ohta. Importance of Bringing Dogs in Contact with Children during Their Socialization Period for Better Behavior. J Vet Med Sci. 2011 Jun;73(6):747-52

(5) Blackwell EJ, Bradshaw JWS, Casey RA. Fear responses to noises in domestic dogs: prevalence, risk factors and co-occurrence with other fear related behaviour. Appl Anim Behav Sci. 2013;145:15–25.

(6) Fox MW, Stelzner D. Behavioural effects of differential early experi­ence in the dog. Anim Behav. 1966;14:273–281.

(7) Battaglia CL. Periods of early development and the effects of stimulation and social experiences in the canine. J Vet Behav. 2009;4:203–210.

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